frêle

les souvenirs
se froissent
à venir
sans sourire
rares
s’éclaircir
sans voile
à l’aube
aux étoiles
loin
l’adieu
les jeux
d’avant
ne sont plus
souvent
il est mort
longtemps
aux éclats
la poussière
le vent
soyeux était
joyeux

ces mains tendres
sont vides
d’attendre

à-coups

elle n’est pas loin
peut-être que ça finira bien
pour elle
ça finira
dans tous les cas

la vie tremble dans les paupières
roule sur les pieds
écrase le coeur
assèche les sens
elle n’avance pas
elle se précipite

que de routes
sans issues
que de murs
se frapper la tête
contre la vie
contre la mort
s’essouffler d’avance
d’avoir trop couru
à tire d’aile

et le gouffre
dans sa bouche
qui s’étend
à lui casser les dents
qui la ronge
jusqu’au sang

elle avale ses ennuis
elle déglutit
et dans un râle noir
le monde s’enfuit

c’est fini

je suinte

j’ai tellement honte d’être

c’est tout

un goût de cendres mal éteintes qui fait mal aux yeux, la vie qui s’étend au loin, grisâtre et sourde, les pieds moites, le cœur agité de saccades, le lourd roulement des paupières sur des larmes sèches, la vie pesante, la mort lancinante, le souvenir aigu et frais, la froideur aujourd’hui, le poids du néant au fond de la gorge, la chaleur d’une douleur pénible, sans issue, les rires gais, agaçants,
je voudrais mais je ne peux pas
vivre
je ne suis pas libre
il y a des rictus que l’on guette et que l’on exècre, des regards qui ne disent rien, des silences qui s’affutent au son des sanglots, des rires qui se jouent des mots, des rêves qui s’égrènent en maux d’âme, impossibles, irréversibles, inconstants et frivoles
j’ai peur
ces sourires en forme de lames vont me trancher la gorge, et je vais en mourir
il y a trop en moi qui étouffe

et…

au dehors
le vide
en dedans

Oh, hell(o)

Excusez-moi, pardon, je trébuche. S’il vous plaît. Je vous prie. Peu importe. Comment ça va ? C’est ça oui. Va ? Donc ! Fi. Et bien ? Bien, pas loin. Ah bravo.

Et tu le sens comment ? Loin, loin. Moyen. Ca trépigne sur les joues, j’en ai mal à la mâchoire. Et tu ne fais rien ? Si je fais. Quoi ? Rien. Mais pas de négativité dans cette histoire. Tout va. Bien ? Oh, hell(o).

Tu pourrais lui dire quelque chose enfin. L’appeler. D’où ? Pour ? Si je savais quoi lui dire. Je n’aurais rien à faire. Il n’y aurait plus de problème depuis longtemps.

Tu ne vas pas attendre que ça finisse par crever ! Je me dégonfle toujours. C’est comme ça. Un jour il sera trempé de larmes. Ce sera moche, ce sera trop tard. Mais je ne peux pas. Je n’arrive pas à dire. Je ne sais pas quoi faire.

L’appât

Ah ! Elle ne se sent pas bien. Elle braille comme un putois dans sa tête. Elle fait trois claquettes avant de claquer en sanglots. Et puis en un claquement de doigts – sourire, ça ne fait rien. On tourne trois fois sur soi-même, trois fois la langue dans sa bouche, trois fois le coeur dans sa poitrine. On repart, on plonge – parce que la vie va, parce que le temps n’attend que pour nourrir notre ennui. Et ce mur, entre elle et les autres, de papier ou de verre – on va faire comme si on n’en avait que faire. Oui, on ne sait qu’en faire… Non, ça ne craquèlera jamais suffisamment. Il y a trop de vide dans cette nuée de postillons lumineux et sonores. Elle va encore détester le lendemain. Vomir sur le surlendemain. Le regard tiraillé vers l’ailleurs. Il y a tellement de chemin à faire. Toute joie n’est que saccade dans les trémolos baveux de l’existence. Cette nappe qui ne recouvre rien, cette nappe qui s’effiloche sans rien révéler – à coups de tenailles il faudrait pouvoir la saborder et révéler son envers. Une bonne fois. Parce qu’elle crève de rien et parce qu’elle est toujours un peu dégoûtante.

Contretemps

J’ai toujours un temps d’avance. Ou je pense à reculons. J’agis trop tôt, trop vite. Ou je reste figée à faire défiler mon passé. Mais le présent… Je l’enjambe. J’ai du mal à m’y mettre, pleinement, ici et maintenant. Je me dédouble toujours quand il s’agit du présent. C’est un problème. Je suis obligée d’être en perspectives. Je n’arrive pas à me laisser couler. J’anticipe. Ma pensée est toujours projetée vers un au-devant, vers un au-dehors, vers un au-delà. Je ne suis jamais là où je pense. Je ne pense jamais là où je suis. Je suis déjà partie. Au fond je suis incapable de musique, de chant, de danse. Je suis trop dans la projection pour être dans la performance. Je ne sais plus poser mon pied par terre sans penser au pas que je vais faire pour aller… je ne sais où. Je ne sais plus dire un mot sans penser à la phrase qui va l’entourer. Je ne sais plus rire sans penser au sourire qu’il va récolter. Je ne sais plus parler sans entendre le silence qui va suivre. Je fais mille choses à la fois pour gagner du temps. Pour ne pas avoir à affronter l’instant. J’ai banni le présent de ma vie par défaut, par angoisse. J’ai cassé ce fil ténu qui rend certaines choses si belles. A chaque victoire, je pense déjà à l’échec à venir. A chaque joie, je pense déjà à la déception, à la désillusion. Le bonheur, je l’effleure – et puis je pense aussitôt à sa perte inéluctable.

A chaque fois que je vis, je me sens déjà mourir. Sauf quand je me décide, pour de bon, à écrire.

Des épines plein la bouche

(1)

C’est drôle, il a perdu des mots qui sont tombés de sa bouche en chemin, il s’est retourné, il s’est pris une grande claque de vent en pleine figure. Il a resserré sa veste autour de lui, ses lèvres se sont étrécies, épaissies, affaissées. Quelques gouttes de vent se sont échappées de ses yeux. Il a couru loin, à reculons, il ne voulait plus y aller. Il voulait revenir à ces temps malheureux où il ne savait que dire. Là, au moins, on ne pouvait le blâmer de ne pas savoir faire.

J’ai mangé tout ce qu’il y avait à croire. Le vomi m’est sorti par le nez, j’ai cru étouffer. Il pensait souvent à cela. Maintenant, il n’attendait plus qu’une vague diarrhée verbale diachronique pour le sauver.

Il a tourné à gauche – la droite lui faisait trop mal, et tout droit, c’était perdu d’avance. Il s’est écroulé dans une crevasse et s’est noyé dans une flaque. Il a crachoté un peu de ses souvenirs d’antan et puis il a continué de reculer. Il voulait sauter, au fin fond du gouffre.

Une enclume est tombée entre ses deux omoplates. Il a écrasé ses gémissements avec le bout de sa chaussure, il a craché dessus, il s’est mis à rire. Puis, un genou à terre, il s’est relevé, il a essuyé ses lèvres, encore congestionnées ; la vie ne résoud pas grand chose. Au mieux elle dénoue. Au pire elle coud ton ventre contre ton coeur, et tu n’arrives plus à respirer.

La digestion est toujours difficile.

L’ombre d’un sourire

L’ombre d’un sourire glisse sur mes doigts
Je me suis demandée ce que tu faisais là ?
- J’erre, m’as-tu répondu, à moi, pauvre hère,
Et ta faucille en jachère…
Que peux-tu faire de ces maux-là ?
- J’exhorte, je sabote, je tournoie – et tu as ri.
Je n’ai jamais aimé ces choses-là.

J’ai dansé sur une tombe
Mon enfance s’est déchirée sous mes yeux
Mes dents se sont affolées
J’ai perdu ce que j’avais à dire
Et j’ai tout enterré

Ma conscience est désormais recouverte de rance
Je sens mourir en moi tous ces sentiments dépassés

L’ombre de ton sourire métallique a frôlé ma panse
Mon coeur s’est effondré
J’ai vu un froid me chatouiller
J’ai cru que tu voulais me rendre mes espérances

J’ai voulu t’enlacer, je n’ai rencontré que du vide

Je ne suis rien, tu n’es plus
Nous n’avons jamais été

La vie ne m’a jamais semblé aussi stupide

Je tombe toujours plus bas

Je crie sans écho
Il se pourrait que je me noie
Tu me tends ta serpe en acier
A m’en couper les doigts
Je m’y accroche
J’y mordrais à pleines dents si je pouvais
Mais ma bouche éhontée gargouille de supplices effrontés

Ne sais-je sourire