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Des épines plein la bouche
(1)
C’est drôle, il a perdu des mots qui sont tombés de sa bouche en chemin, il s’est retourné, il s’est pris une grande claque de vent en pleine figure. Il a resserré sa veste autour de lui, ses lèvres se sont étrécies, épaissies, affaissées. Quelques gouttes de vent se sont échappées de ses yeux. Il a couru loin, à reculons, il ne voulait plus y aller. Il voulait revenir à ces temps malheureux où il ne savait que dire. Là, au moins, on ne pouvait le blâmer de ne pas savoir faire.
J’ai mangé tout ce qu’il y avait à croire. Le vomi m’est sorti par le nez, j’ai cru étouffer. Il pensait souvent à cela. Maintenant, il n’attendait plus qu’une vague diarrhée verbale diachronique pour le sauver.
Il a tourné à gauche – la droite lui faisait trop mal, et tout droit, c’était perdu d’avance. Il s’est écroulé dans une crevasse et s’est noyé dans une flaque. Il a crachoté un peu de ses souvenirs d’antan et puis il a continué de reculer. Il voulait sauter, au fin fond du gouffre.
Une enclume est tombée entre ses deux omoplates. Il a écrasé ses gémissements avec le bout de sa chaussure, il a craché dessus, il s’est mis à rire. Puis, un genou à terre, il s’est relevé, il a essuyé ses lèvres, encore congestionnées ; la vie ne résoud pas grand chose. Au mieux elle dénoue. Au pire elle coud ton ventre contre ton coeur, et tu n’arrives plus à respirer.
La digestion est toujours difficile.