prétendre

que tout va bien
que rien n’a changé
que je n’ai besoin de rien
que je ne suis pas fatiguée
que j’aime la vie
que tout ceci n’a pas un goût de cendres
que je peux me résoudre
que je n’ai pas de problème
que j’aime être avec des gens
que j’aime parler
que je me soumets
que ce que je pense ne compte pas
que je n’ai pas peur
que je n’ai pas faim
que je souris
que je n’ai pas envie de fuir
que tout ceci a un sens
que je n’ai pas mal au fin fond de mes tripes baveuses
que mes paupières ne sont pas lustrées par tant de larmes versées
que j’ai envie de continuer
que je me sens bien
que je ne sens rien
que je ne suis rien
que demain

Réveil

Un oeil s’ouvre brièvement, on retombe dans le sommeil, on lutte pour en sortir, en vain ; on a l’impression d’être tétanisé, paralysé, on essaie de bouger, mais l’image de son propre corps inerte reste fixe et obsédante ; et puis le corps se meut quand même, dans la réalité, alors on a l’impression de toucher quelque chose… tout en ayant cette sensation très étrange que ce n’est pas soi-même qui touche quelque chose. Pire encore quand on en vient à se toucher – par exemple, là, j’ai voulu toucher ma joue. Mes doigts l’ont touchée ; mais je n’avais que l’image de mes doigts comme morts et immobiles près de ma joue ; si bien que j’ai senti quelque chose qui touchait ma joue, sans pouvoir me dire que c’était bien mes doigts…

Il se produit comme un dédoublement carrément flippant au cours de ce rêve éveillé – les sens sont désolidarisés les uns des autres, la vue contredit le toucher. Et puis l’esprit s’en mêle ; parce que comme il se produit une situation illogique, l’esprit essaie de la justifier en rationnalisant ce qu’il se passe – mais, du coup, on tombe dans le fantastique ! Car là j’ai vraiment cru que quelque chose d’autre, qui n’était pas moi me touchait. Cet autre était forcément une menace : le corps paralysé, que me voulait cette intrusion invisible ? Donc j’ai eu un moment d’angoisse terrible.

Le problème est que la situation ne se reproduit pas qu’une seule fois – j’ai l’impression de me réveiller, mais non. J’ai ensuite la sensation de sortir de cette situation de non-réveil, mais non, toujours pas. Cela peut durer une bonne vingtaine de minutes comme ça, voire une demi heure. C’est très éprouvant. On veut que ça s’arrête, et en même temps – on a peur que l’arrêt de ces réveils successifs soit synonyme de mort