L’ombre d’un sourire

L’ombre d’un sourire glisse sur mes doigts
Je me suis demandée ce que tu faisais là ?
- J’erre, m’as-tu répondu, à moi, pauvre hère,
Et ta faucille en jachère…
Que peux-tu faire de ces maux-là ?
- J’exhorte, je sabote, je tournoie – et tu as ri.
Je n’ai jamais aimé ces choses-là.

J’ai dansé sur une tombe
Mon enfance s’est déchirée sous mes yeux
Mes dents se sont affolées
J’ai perdu ce que j’avais à dire
Et j’ai tout enterré

Ma conscience est désormais recouverte de rance
Je sens mourir en moi tous ces sentiments dépassés

L’ombre de ton sourire métallique a frôlé ma panse
Mon coeur s’est effondré
J’ai vu un froid me chatouiller
J’ai cru que tu voulais me rendre mes espérances

J’ai voulu t’enlacer, je n’ai rencontré que du vide

Je ne suis rien, tu n’es plus
Nous n’avons jamais été

La vie ne m’a jamais semblé aussi stupide

Je tombe toujours plus bas

Je crie sans écho
Il se pourrait que je me noie
Tu me tends ta serpe en acier
A m’en couper les doigts
Je m’y accroche
J’y mordrais à pleines dents si je pouvais
Mais ma bouche éhontée gargouille de supplices effrontés

Ne sais-je sourire

Bave

On se fascine parfois pour le nauséabond. On s’étonne ensuite de finir écrasé sous un tas de merde. J’aurais tellement envie de cracher sans ma soupe et de la jeter à la face du monde. Tu ne crois pas que c’est ce qui t’anime, au fond ? Vous pensez ? Ils ne savent pas vraiment. Moi je sais. Oui c’est vrai. On peut aller dans ce sens-là. C’est vain, vil, vieux – vague, vague qui roule, l’écume au bord des lèvres, le sel qui suinte des yeux. J’aurais aimé ne pas savoir, très honnêtement. Quel intérêt avait-elle ? Aucun. Elle voulait partager. On aurait préféré rejeter. Vous êtes égoïste. Tu le sais bien. Je veux survivre – et dans cette sentence, chaque mot compte triple. Scrabble assassin et cynique – un jeu d’enfant. La mère laisse l’enfant, à la mer, et le père, ses pairs, au fer (ver vert, rouge) – on se terre, on se tait. Après tout. On est impuissant face à la violence de ses spasmes. Je ne peux qu’être lâche et insoumise. Il fait assez froid pour mourir de peur.

En secret

La vérité toute nue n’est qu’une bouffée de larmes. Elles bouillonnent dans ma bouche et me laissent beaucoup d’amertume. Le bord des yeux s’incline, à force d’avoir trop soupesé ces choses-là. Ces victimes infinies d’insouciances fugitives. Je ne sais pas si j’y arriverais. A y croire. J’aurais envie que les choses s’arrêtent pour acquérir une certitude. Dans la solitude, au moins, il n’y a que soi, il n’y a rien. Je m’évide de tout soupçon. Je m’éventre à en perdre haleine. Et toujours les mêmes salmigondis qui reviennent, qui pataugent. Je perds du temps, je me perds. Dans la nuit j’écoute le noir. Je broie l’air nocturne sous mes dents qui claquent. Je me demande si j’irais jamais nulle part. Je piétine dans mes mots. Je ne sais plus qui je suis, si cela vaut le coup d’être perdue. J’aimerais tant – au conditionnel, beaucoup d’espoirs, une aspiration, un rêve incertain. Impossible à formuler. Je voudrais. Je ne sais quoi. Au bout de mes doigts, il y a le vide. Attraper quelque chose, ce serait bien. Je ne sais quoi. Je croasse bêtement, je coasse froidement. Des petites perles glacées, coincées dans ma gorge. Des pierres ciselées, imparfaites, qui me rongent, qui deviennent maladives et sans âme. Je ne résouds rien. Je m’épanche, j’étanche ce que je peux. J’essuie mes joues. J’attends.

Funambule

Sur un fil, il marche, il trébuche souvent, il ne cesse de s’étrangler de rire. Le vent glacé souffle dans ses côtes flottantes. Il y a comme une boule brûlante dans sa gorge. Il ne peut l’avaler ni la vomir. Elle roule, roule, inlassablement. Des petites aiguilles viennent taquiner ses yeux. Ses entrailles, en feu, gémissent parfois, il ne les entend pas, il les sent juste, bouillonner, l’air de rien, crépiter au creux de ses reins. Il avance peu, mais il avance, parfois il recule, il n’a pas trop de sens à suivre. Tu sais que je ne m’aime pas. Il ignore les projectiles qu’il reçoit en pleine figure. Ses joues sont contractées. Ses dents claquent hors de ses lèvres. Sa langue se rétracte et chatouille la boule brûlante. Ce n’est pas comme si personne ne se rendait compte de rien. Ca lui démange le bout des pieds. Des cloques, par milliers, glissent sur sa peau, éclatent, purulentes. Le jus coule entre ses doigts. Il ricane encore. Je voudrais m’asseoir mais je ne peux pas, ça me ferait trop mal. Je voudrais serrer quelqu’un entre mes bras. Le vide devant lui s’ouvre, immense. Juste ce fil, sans fin, qui s’étire, tendu, fragile, douloureux. Le plus simple serait de se laisser tomber. Si seulement tu pouvais me voir, et m’envoyer un baiser du bout des doigts. Cela me donnerait envie de progresser. Son talon dérape. Son corps est devenu tout sec à force de suppurer. Comme une brindille. Il pourrait s’évaporer dans le néant. J’ai tellement envie de croire que cela me fait mal.

Saoule

Les yeux qui me piquent. De froid, de fatigue. Des larmes enfouies au creux de mes paupières. Une bouche au goût de bière. Faim. Rien. Je ne sais pas, bordel, je ne sais pas. Si ça va. Où je vais. Je me paralyse. Je me tais. Je n’ai plus envie.

Disparaître plutôt que paraître. Haleter plutôt qu’étouffer. Je voudrais m’allonger et dormir, sans avoir à penser à demain, aux autres, aux autours. Lèvres salées, écorchées, et sales. Je m’essuie mais rien ne part. Tout reste incrusté, lancinant. Je m’énerve, je m’exaspère. J’ai trop de dents serrées contre ma langue. Je crache mais rien ne vient. Je tousse et je m’étrangle. Trop de borborygmes qui remuent mon ventre. Creusent dans mon âme des sillons étranges et puants. Glaucome des pensées alentours. Cela me fait si froid dans le dos. Froid comme un animal mort qui voudrait s’immiscer sous ma peau. Solitude effarante. Je ricane et je frissonne. Et toute cette rancoeur. Je n’en finirai jamais. Et pourtant quelle nausée !